Supplice ou l’angoisse de la page blanche
À bien des égards, la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-chose, et pourtant nous jouissons d’une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail, à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative plaisante à écrire et à lire. Mais l’amère vérité, qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le mets le plus médiocre a sans doute bien plus de valeur que la critique qui le dénonce comme tel.
Ratatouille, Studio Pixar, 2007
Voilà, la citation pop culture, c’est fait, on peut commencer. Mais celle-ci ne sort pas de derrière les fagots.
En effet, je n’aime pas écrire sur les jeux considérés comme mauvais parce que tirer sur l’ambulance, c’est facile (même si des fois effectivement on peut avoir affaire à des purges). Dans ce cas-là, une approche plus pédagogique expliquant où est le problème et comment l’éviter est plus intéressante, mais n’étant pas un expert, je passe mon tour et laisse ça aux autres. Petit rappel, le staff de la rédaction n’est composé que d’amateurs passionnés qui écrivent pour partager leur humble avis sur une passion commune.
À l’inverse, quand le jeu fait vibrer une corde sensible, la rédaction de son article se fait d’elle-même, comme une évidence. Petit problème, on ne croise pas forcément ceux-ci à tous les carrefours, et on ne devine pas en amont s’ils entreront ou non dans cette catégorie. Cependant, ils existent et c’est toujours un plaisir de partager ce sentiment quand il arrive.
Bon, et quand le jeu en question est sympa, mais pas assez consistant pour en faire un vrai test ? Et quand vous avez des obligations éditoriales à respecter, on fait quoi ? Bah on fait une intro beaucoup trop longue avec une citation stylée pour justifier le fait qu’on a rien à dire, en essayant de faire comprendre que ce n’est pas péjoratif.
Bref, aujourd’hui, et avec l’aide de Supplice, je vais essayer de partager mon ressenti quand il faut parler d’un jeu cool, mais dont on a vite fait le tour du sujet.
Pour des raisons évidentes, je ne pourrai pas construire l’article de façon « classique », mais ne vous inquiétez pas, cette improvisation est réalisée par un professionnel. Rentrons donc dans le vif du sujet. Supplice est un FPS à l’ancienne dans un style graphique très rétro qui sent bon le pixel. Oui, j’entends DOOM dans mon oreillette, et de ce que j’ai compris, c’est normal puisqu’il était visiblement censé être un mod de ce dernier. Ainsi donc, on en retrouve tous ses codes : du gore kitsch, de la guitare électrique qui tabasse, des guns, des aliens et…bah voilà.
Comment développer un propos sur une recette qui fonctionne ? Vous avez 4 heures. Parce que ok, buter des mobs pour en faire de la pulpe version 8 bits c’est fun, mais pas de quoi écrire une tartine sur le sujet, d’autant plus que le scénario tient sur un post-it. Et on s’en fout de ce point-là, on demande pas Avatar 3, on veut juste assouvir nos pulsions meurtrières avec des guns. On tourne en rond là, on est d’accord. Bah voilà, c’est avec ces données-là que je dois composer.
Alors oui, on pourrait aborder ce qui ne va pas. Allons-y. La difficulté est soutenue, même en mode facile. La mort est extrêmement punitive. L’orientation et les objectifs sont peu intuitifs, et on regrettera amèrement l’incapacité de pouvoir sauter. Bon, et maintenant ? Parce que soyons d’accord, même si c’est frustrant, ça ne rend pas le jeu injouable, et il suffira d’un peu de patience, mémoire et dextérité pour pallier cela. Admettons, ça fait un challenge en plus. Et après ? Bah après ça j’ai rien de plus à dire qui n’aurait pas déjà été dit.
Et on en arrive au point central du problème. J’aurais joué au jeu dans mon coin en solo, Supplice aurait rejoint cette longue liste des jeux cools qui occupent un dimanche midi quand il pleut dehors, et on en serait resté là lui et moi. Oui mais voilà, comme dit précédemment, je suis tenu à des obligations éditoriales, et cela me met dans cette situation délicate ou je sais que ne pas dire grand-chose sur le jeu sera considéré comme une critique négative. Or ce n’est pas le cas, d’où l’introduction à rallonge et la citation jointe. Mais d’un autre côté, ça ne me fait pas plaisir de passer plus de temps à justifier mon propos avec la sensation de marcher sur des œufs, que de parler du jeu en lui-même. Mais si je m’étais contenté de mon avis sur le jeu, tout serait rentré sur un simple fichier en jpeg. Une solution que je garde de côté si la situation doit se reproduire, mais au moins vous saurez d’où ça vient.
VHD Prod pour ShainiGamesUp